Améliorer la performance commerciale des industries lourdes – Bertrand Pointeau – 2015 – Usinenouvelle.com
13 octobre 2015
Il serait exagéré de dire que les industries lourdes n’ont pas d’approche commerciale structurée.
Pourtant, le développement du produit et l’efficacité de l’outil industriel y restent prioritaires pour
le management, tandis que le marketing et la vente sont implicitement relégués au second plan.
C’est d’autant plus problématique que la croissance des industries lourdes est de moins en moins
tirée par des blockbusters capables de faire exploser la demande. Les innovations restent
souvent incrémentales, voir marginales et les marchés sont de plus en plus mûrs et
concurrentiels.
L’expérience montre que des leviers, combinés dans des programmes suffisamment robustes et
durables, peuvent conduire des acteurs de l’industrie lourde à une amélioration d’environ 20 à
25% de leur chiffre d’affaires.
LES CINQ FREINS LES PLUS COURANTS À LA PERFORMANCE COMMERCIALE DANS L’INDUSTRIE LOURDE
La segmentation client reste rudimentaire et insuffisamment appliquée. On observe peu de
différentiation en fonction de la valeur du client et de ses attentes. Surtout, la segmentation reste
l’affaire d’une minorité de commerciaux alors qu’elle devrait toucher toutes les fonctions de
l’entreprise, de l’aval vers l’amont : administration des ventes, logistique, production, recherche
applicative et même achats.
Certaines disciplines commerciales essentielles telles que le pricing tactique, le marketing
de la valeur ou la gestion des comptes clés sont insuffisamment développées. Il en résulte
une perte de valeur importante et souvent sous-estimée.
L’expérience du client ne reçoit pas l’attention qu’elle devrait. On se contente trop facilement
d’une enquête de satisfaction client occasionnelle avec des taux de réponses modestes. Peu
d’entreprises ont déployé des boucles de feedback client en continu au cœur de leurs opérations.
Encore moins ont compris comment la révolution digitale va redéfinir le parcours du client et les
épisodes clés de la relation.
Les sujets commerciaux sont traités comme des sujets tactiques, avec une impulsion
limitée de l’équipe dirigeante et une mobilisation insuffisante dans la durée. Au lieu de
programmes ambitieux, on observe le plus souvent une série de petites initiatives opportunistes
et fragmentées. Une action commerciale sur le prix sera souvent conduite dans l’urgence, de
manière réactive comme une variable d’ajustement à court terme. Résultat : un gain économique
inférieur aux attentes, de la frustration et du cynisme dans les équipes.
La filière commerciale, enfin, est insuffisamment animée et valorisée au sein de l’entreprise.
Elle offre peu de perspectives de carrière pour les meilleurs talents.
…ET LES LEVIERS QUI FONT LA DIFFÉRENCE :
Pourtant, certains producteurs de polymères, d’amidon ou d’acier ont réussi à augmenter de
manière durable leur performance économique grâce à une forte mobilisation sur le client et une
approche commerciale structurée.
Ils placent la segmentation au cœur du fonctionnement de l’entreprise. Chaque client est
clairement caractérisé en fonction de son potentiel économique et de ses attentes en termes de
logistique, de support technique, de spécification produit et d’interface commerciale. Chaque
fonction de l’entreprise (y compris la production, la logistique…) sait comment adapter ses
priorités et ses actions suivant le segment auquel appartient un client.
Ils se mobilisent sur les thématiques commerciales et marketing les plus critiques pour
leur secteur, comme la gestion des grands comptes. Grâce à un programme ciblé de gestion du
pricing, un fabriquant de polymères a ainsi retrouvé une rentabilité positive après une année de
pertes, puis dépassé de plus de 90% la rentabilité historique de l’entreprise.
Ils placent la barre suffisamment haute en matière d’expérience client. Ils déploient des
outils de dialogue et de feedback en continu auprès de tous leurs interlocuteurs clés. Enfin, ils
responsabilisent le management et créent une véritable culture de l’écoute et du service.
Ils travaillent le sujet de l’excellence commerciale dans la durée avec des programmes
ambitieux et participatifs. Comme des initiatives sur 18 à 24 mois mettant l’accent sur
l’animation des équipes commerciales, l’implication forte du management dans son rôle
d’émulation et de coaching des vendeurs. Managers et commerciaux se réunissent en atelier
pour élaborer ensemble des stratégies de vente et de pricing, client par client. La clé est
l’animation continue. L’outil n’est qu’un moyen.
Ils conduisent enfin une politique de ressources humaines adaptée à la force
commerciale. Ils définissent des parcours de carrière stimulant pour les commerciaux, leur
apportent la formation nécessaire pour se spécialiser et maîtriser l’environnement sectoriel et
applicatif de leurs clients. Ils reconnaissent et valorisent la performance commerciale en
célébrant les succès au plus haut niveau.